Entretien avec Obi Bora, artiste nigérian

Obi Bora est un artiste nigérian. Il appartient à l’ethnie Igbo du sud-est du Nigéria. Il a quitté son pays en 2010 pour rejoindre l’Europe, et souhaite partager son histoire avec son public. Son style musical est nourri de plusieurs tendances (afro beat, hip-hop…) même s’il reste inclassable.
Voici l’interview réalisée notamment par notre équipe de jeunes Reporters de l’engagement, dans le cadre du dispositif « Migrations positives » en partenariat avec la Sirène le 9 décembre 2021.

Qu’est ce que la musique signifie pour toi ?
La musique veut tout dire pour moi. Ça raconte tout et ce n’est jamais ce qu’on attend. C’est comme une grande bouffée de bonheur d’être ici avec vous.

Les migrations sont devenues un vrai enjeu politique aujourd’hui, instrumentalisées pour les mauvaises raisons. Qu’en pense-tu?
Beaucoup de gens en parlent, il y a beaucoup de bruit autour de ça, mais ce qui est sûr pour moi c’est qu’être africain est quelque chose de très difficile et je n’ai pas eu d’autre choix, comme c’est le cas pour beaucoup d’autres, que de partir. C’est une question de vie ou de mort. De trouver une place pour survivre. C’est inévitable. Que les gouvernement aiment les migrations ou pas, cela va arriver malgré tout car la vie est insupportable.

Comment ta musique a-t-elle été découverte ?
Quand je suis arrivée en France, à l’été 2009, je n’avais pas d’autre endroit où habiter que dans un squat avec 450 autres migrants africains dans différentes situations, demandeurs d’asile ou autre. Très vite dans ce squat est arrivée une compagnie de théâtre, qui avait pour projet de proposer aux personnes d’intégrer une pièce avec des comédiens professionnels. La directrice de cette compagnie de théâtre m’a parlé de la personne qui travaillait sur la bande-son de la pièce. Ce musicien qui s’appelle Cédric De La Chappelle est arrivé, je lui ai présenté mes chansons et il est rentré dans ma musique, m’a proposé de prolonger son geste en m’invitant chez lui et en faisant du studio. On a commencé comme ça à faire des chansons.

Qu’est-ce que cette expérience professionnelle et artistique de la musique t’a apporté ?
Ce long voyage m’a apporté beaucoup de choses, m’a permis d’être ici ce soir avec vous, de rencontrer des personnes que je n’aurais jamais pu rencontrer avec la distance, mais cela a engendré aussi beaucoup de combats, beaucoup de guerres en moi… Tout ce que j’ai aujourd’hui c’est ce voyage qui me l’a amené.

De quoi parlent tes textes ?
Ils parlent d’amour, de guerre et de paix, de force intérieure, de croire profondément en soi-même, et de transmettre le message que ce qu’on imagine possible l’est vraiment, et qu’on peut le faire.

Quelle musique écoutais-tu quand tu étais jeune ?
Beaucoup de hip-hop. Tupac, Dr. Dre, Eminem, Nas, mais je ne peux pas faire du hip-hop comme eux, désolé (rires). J’écoute de la musique depuis que j’ai trois ans, beaucoup de musique. Je ne crois pas que j’ai été inspiré par une spécialement. J’ai été inspiré par ma vie, qui n’était pas une vie facile depuis l’enfance. C’est la vie qui m’inspire. J’ai commencé à chanter très jeune, mais c’était surtout les chansons des autres. Je jouais avec ça. Puis finalement en 2016 en Italie, j’ai enregistré en studio ma première chanson, mais j’ai eu beaucoup de problèmes et j’ai dû fuir le pays et tout recommencer… Parce que je n’ai pas de papier*.

Je t’ai entendu chanter à propos de ta mère. As-tu atteint tes objectifs, à propos de la sécurité financière et du fait de la rendre heureuse ?
La monnaie ne fait pas tout ! (Rires). J’espère que tout se déroulera comme je l’ai dit dans mes chansons. Si ce n’est pas encore arrivé, j’attends que ça vienne !

Que ressens-tu quand tu es sur scène ?
Bonne question ! Du stress… j’ai envie de vous donner le meilleur, je dois donner le meilleur donc je ressens toujours du stress, mais c’est du bon stress que j’aime. Ça fait pas longtemps que je suis sur scène, donc tout est neuf encore pour moi. Mais je commence à m’amuser. Je me sens stressé, je me sens béni, je me sens bien.

 Qu’est ce que tu souhaites transmettre ?
Je suis là pour partager mon expérience de la vie, avec des personnes qui ne l’ont pas vécu, c’est cette aventure que je veux partager. J’apporte des choses mais je ne suis pas Bob Marley (rires), mon nom est Obi, ce que j’apporte c’est ce qui vient de moi, exclusivement.

Quel conseil donne-tu à des jeunes africains ou africaines qui vivent des choses semblables à toi ?
Mon conseil serait de dire : « Reste où tu es, et fais ce que tu veux faire ». Ne pense pas que parce que je suis en Europe, tu dois venir ici pour faire ce que je fais ici. Si tu pars, tu peux mourir. Tu dois croire en toi, jamais attendre que les autres crois en toi, c’est toi qui doit avoir la foi en tes rêves, te concentrer sur tes projets, peu importe l’âge de la vie. Ce conseil concerne tous les enfants. Trop bouger n’est jamais bon. C’est important de rester à un endroit où vivre, rencontrer les gens… Je crois que c’est mon problème car j’ai trop bougé, j’ai pris d’énormes risques. C’est mieux peu importe le pays, de croire à ce que tu veux faire et de le réaliser là-bas.

* Prononcé en français.

Compétences

Posté le

20 février 2022

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