Constats et propositions autour des problématiques de migrations à La Rochelle et en Charente-Maritime

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Les États généraux des migrations sont un mouvement national de plus de 470 associations et collectifs de toute la France créé pour dénoncer les politiques migratoires en France et en Europe et leurs conséquences désastreuses. Des concertations ont eu lieu depuis plusieurs mois, des mobilisations et actions citoyennes de solidarité se sont mises en place et à l’issue de ces concertations, une session nationale s’est tenue à Montreuil les 26 et 27 mai et des « livres noirs » seront prochainement publiés dans les différents départements.

Ainsi, à La Rochelle, 17 associations se sont réunies pour se concerter, établir un état des lieux et soumettre des propositions concrètes pour construire un accueil des étrangers moins répressif et plus respectueux de leurs droits fondamentaux. Aujourd’hui, ces associations présentent les constats de non-respect des droits fondamentaux observé sur leur territoire d’intervention et les propositions d’actions pouvant être mises en place pour améliorer la situation et montrer qu’une autre voie, plus solidaire, est possible.

«L’humanité de demain se construit avec l’accueil aujourd’hui »

Le règlement Dublin III est à la fois complexe, injuste et inefficace. Il faut cesser d’en appliquer les critères afin que le demandeur ou la demandeuse d’asile puisse faire le choix du pays où il ou elle sollicite l’asile.

« Il est urgent que les autorités françaises traitent les demandes d’asile des personnes Dublinées et s’engagent au niveau européen à défendre un réel système d’asile européen solidaire et protecteur. », déclare Denise Piau, membre de la Ligue des droits de l’homme.

Les associations accompagnent régulièrement des personnes qui sont entrées en Europe par un autre pays européen – souvent la Grèce, l’Italie, l’Espagne – où leurs empreintes ont été enregistrées. L’État français refuse leur demande d’asile et les renvoie vers le pays en question. Un charter est récemment parti de Poitiers.

Un cas particulier en exemple : En Charente-Maritime, un jeune Guinéen a été lynché par la population et incarcéré pour son orientation sexuelle : la loi guinéenne punit l’homosexualité de 6 mois à 3 ans de prison pour « acte contre nature ». Son petit ami a soudoyé la police pour l’exfiltrer de Guinée. Ce jeune homme est entré en Europe en Espagne en état de « sidération », il ne savait même pas où il était. Il a de graves séquelles post traumatiques des violences qu’il a subies. Il parle français et pas espagnol : son choix est de faire sa demande d’asile en France où il est finalement arrivé. C’est en faisant ce choix qu’il a retrouvé une certaine maîtrise de sa vie et sa dignité humaine. Il a été convoqué récemment à la préfecture de La Rochelle où son billet d’avion pour l’Espagne l’attendait. L’association Lgbt (Lesbian/gay/bis/trans) ADHEOS a obtenu de justesse un délai pour monter un dossier.

Les associations dénoncent également la situation dramatique des mineurs non accompagnés et la reconnaissance aléatoire de leur minorité les laissant sans protection dans des situations kafkaïennes.

En Charente-Maritime, on compte environ 500 jeunes mineurs non accompagnés (ex-jeunes mineurs isolés) dont la moitié seulement sont pris en charge. La plupart des jeunes ont subi de grands traumatismes lors de leur parcours, très souvent long, avant d’arriver en France. Ils sont stressés et déstabilisés.

« De nombreux dysfonctionnements ralentissent voire stoppent le processus d’intégration d’un jeune mineur non accompagné (MNA). Pourtant dans tous les cas où ce jeune est positivement accueilli, l’intégration va permettre de très beaux parcours de vie » regrette Marie Bellais, membre de Solidarité Migrants.

Les failles dans le dispositif d’accueil des jeunes mineurs isolés se retrouvent à chaque étape du processus pour contester leur minorité : aujourd’hui 40 à 60 % des jeunes sont refusés, même s’ils ont des papiers prouvant leur identité.

Lors de l’entretien d’évaluation de la minorité, réalisé par un référent de l’ASE (l’aide sociale à l’enfance) et obligatoire dans les 5 jours de l’arrivée du jeune, on constate trop souvent : un manque de formation pour traiter des situations traumatiques, un temps d’écoute trop rapide ou sans bienveillance, ou une écoute partiale, l’absence d’interprète ou encore le nombre insuffisant de référents (1 pour 50 jeunes).
Les jeunes sont souvent envoyés d’un département à un autre en se voyant remettre un billet de train mais, pendant ce temps, ils n’ont aucune aide.
Les recours sont possibles s’ils ont la chance d’être accompagnés par une association, mais sont longs et stressants et les décisions de justices aléatoires et arbitraires. Lors des comparutions devant le juge, 5 jeunes peuvent passer en même temps, et ils peuvent entendre des arguments peu sérieux : « tu es trop grand, tu parles trop bien, tu as un peu de barbe… ».

Si le jeune est reconnu mineur, au jour anniversaire de ses 18 ans, le « contrat jeune majeur » ne lui est souvent pas proposé et même s’il est en apprentissage, il sera mis à la porte de son lieu d’hébergement par l’ASE et retombera dans une grande précarité.

« Les écueils que le jeune va connaître sont tellement identiques à travers les départements qu’on peut raisonnablement penser que tout cela est habilement orchestré par l’état pour « gagner » du temps jusqu’à ce que le mineur devienne de fait majeur ou pour faire correspondre le nombre de mineurs au nombre de places de structures d’accueil » s’indigne Marie Bellais.

Les associations se mobilisent également pour faire face aux conditions de vie indignes des déboutés du droit d’asile sur notre territoire et en particulier en ce qui concerne leur hébergement.

Avant de pouvoir déposer une demande et après leur demande d’Asile à l’OFPRA, les exilés doivent attendre pendant des mois. Durant la procédure, ces personnes sont hébergées en Centres d’Accueil pour Demandeurs d’Asile (CADA). La décision de l’OFPRA, si elle est négative, peut être contestée par recours à la CNDA, ce qui prolonge encore l’attente durant laquelle les personnes s’intègrent progressivement et créent des relations (apprentissage du français, scolarisation des enfants, bénévolat des adultes dans des associations).

Cependant, suite aux traumatismes physiques et/ou psychologiques subis dans leurs pays et tout au long de leurs périples migratoires, certaines personnes, y compris des enfants, doivent être accompagnées dans des structures spécialisées pour pouvoir être soignées et se « réparer ».

Seulement 25 % des demandes d’asile aboutissent. En cas de refus, les personnes se retrouvent à la rue alors que les CADA et les Centre d’Hébergement et de Réinsertion Sociale ont une obligation d’accompagner les demandeurs d’asile à la sortie et de leur proposer un hébergement, comme la loi l’impose pour toute personne présente sur le territoire (aussi bien les sans domicile fixe que les exilés).

« Il est inacceptable et inhumain que les personnes se retrouvent du jour au lendemain sans logement, naviguant d’accueil d’urgence en accueil d’urgence aux quatre coins du département, voire du territoire, et que des familles se retrouvent séparées faute de places » s’insurge, Alain Simon du Comité Anti Expulsions de Rochefort, « comment assurer alors les suivis et les accompagnements de santé et d’éducation mis en place ? ».

Aujourd’hui, ce sont 17 associations, 1 000 personnes qui se mobilisent pour pallier la faillite de l’État sur la situation des migrants à La Rochelle. Chaque jour de nouveaux citoyens indignés proposent leur aide. Des communes se mobilisent pour le logement. Des élus parrainent des réfugiés. Des personnes s’engagent et transgressent le paradoxal « délit de solidarité ».

« Via la résonance de ces États généraux des migrations, ce sont des centaines de milliers de personnes qui font entendre leur voix pour qu’enfin une réelle réflexion européenne sur la question des exilés et des migrations soit engagée », conclut Thérèse Lecroart, présidente du Secours Catholique Charentes.

Plus d’informations sur : https://eg-migrations.org/

Contact Presse : Christian Joubert 06 12 31 27 88 – chrjoubert@sfr.fr
COMMUNIQUE DE PRESSE –  COLLECTIF D’ASSOCIATIONS – lundi 28 mai 2018

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Posté le

8 juin 2018

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